auréole

Sainteté n’est aucunement synonyme de perfection. Au contraire, un saint a plus que tout autre la conscience aiguë de ses impuretés. Plus on approche un drap de la lumière, plus on en perçoit les taches : des auréoles.
Ce n’est pas tant ses œuvres qui font le saint – il n’est nul besoin de croire pour agir – que sa disponibilité pour laisser Dieu œuvrer en lui, c’est-à-dire l’accueillir. Ce que Saint-Augustin sublime ainsi : « La grâce du Christ ne réside pas dans son exemple, mais dans le don de sa personne. »

hypothèse

On ne peut guère en vouloir aux athées de ne rien comprendre à la foi tant il est difficile de parler de ce que l’on ne connaît pas. Leur rejet s’opère généralement à travers le prisme d’un anticléricalisme dont on peut saisir les motivations au point parfois de les partager. S’ajoute par tradition familiale ou sociologique une pratique religieuse affadie dont l’observation possible n’érige pas plus un modèle qu’elle ne suscite l’envie. « Pour qu’on croie à leur Sauveur il faudrait qu’ils aient des têtes de sauvés », disait tonton Nietzsche. Mais enfin, Dieu seul sonde les cœurs et les reins, et c’est heureux pour les athées eux-mêmes qui ne restent ainsi pas à l’abri d’un infini étonnement.

Si on comprend donc leur doute, on peine quand même parfois à comprendre leur amalgame, par exemple sur le mot doute lui-même. Il peut arriver – il peut assurément arriver – qu’un doute sur l’existence de Dieu fonde comme neige au soleil, soleil devenant en l’occasion une entité assez terne. Mais ce doute-là ôté, tous les autres surgissent à la puissance mille par contraste entre un absolu et notre néant. Et l’on comprend soudain mieux Malebranche : « Dieu seul existe, le reste n’est qu’hypothèse. »

digne

Je n’ai jamais été un grand adepte de Charlie Hebdo mais soutiens sans réserve la liberté de sa ligne éditoriale.

Cela dit, ce que la loi autorise ne constitue pas à coup sûr le garant de ce qu’il est bon, utile ou pertinent de faire. La loi permet en général certains comportements, l’individu peut en conscience juger opportun de se tenir en deçà de cette loi. Ce scrupule, cette retenue, voire ce renoncement, la loi implicitement ne les interdit pas plus qu’elle ne les recommande. C’est donc l’affaire de chacun.

Sur quels critères chacun peut-il décider d’en rabattre sur ce que la loi autorise ou même, le cas échéant, de transgresser cette loi ?

Je n’ai in fine de réponse qu’une question : est-ce digne ?

arbre

Je ne sais dans l’infini le sens du Mystère de la Passion, mais sais que la douleur nous ouvre à la joie aussi sûrement que les racines obscurément creusées d’un arbre le dressent à la lumière.

jauge

Serons-nous jugés ou nous jugerons-nous plutôt nous-mêmes ?

Dans une large mesure – peut-être -, ce n’est pas ce que nous auront fait ou pas fait qui sera compté mais ce que nous aurons laissé Dieu faire en nous.

Non pas un Juge mais une Jauge.

Quelle quantité d’essence divine aurons-nous accueillie pour tel un bouchon de liège nous élever avec elle ?

En bas la lie d’un fond de cuve, en haut la part des anges.

souci

Mon Dieu, qu’attends-tu de moi ? Telle est, plus qu’une prière, la supplication de l’homme de foi face aux aléas, aux obstacles, aux peines apparemment perdues.

En ces incontournables moments de questionnements, il n’est assurément de bonne attitude que celle d’Edith Stein : « Je ne me fais pas de souci, Dieu sait très bien ce qu’il doit faire de moi. »

agenda

« L’homme c’est de la matière qui prend conscience d’elle-même », nous dit ce bon Hubert Reeves qui n’est pas à une contradiction près. On fera inutilement remarquer au scientifique que la probabilité d’obtenir une protéine fonctionnelle est de un sur dix puissance cent soixante-quatre quand il ne s’est écoulé – comparaison tout aussi inutile – que dix puissance seize secondes depuis le Big Bang.

Dieu n’est pas une aiguille dans une botte de foin, plutôt fétu de paille – d’étable -, vingt-cinquième heure de nos agendas. Si au lieu de déplorer son silence notre priorité était silencieuse de lui coller aux basques, on finirait larme. De joie.

connaissance

« Se connaître soi-même est la démangeaison des imbéciles », disait Bernanos.

Ce que suggère cette proposition, qui fera bondir nos psys en tous genres, est la condition même de notre humanité. Le propre de l’homme est d’être irréductible à ce qu’il peut savoir de lui-même, c’est-à-dire d’être indéfinissable. Tout humanisme est mort-né et grande ouverte la voie au totalitarisme dès que l’on s’arroge le droit de définir l’homme, parce que définir c’est poser des limites et tôt ou tard proscrire et envoyer dans quelques confins en forme de camps ceux qui ne correspondent pas à la définition.

Sur un plan plus théologique, on observera que Dieu crée l’homme à son image en tant précisément qu’Il est celui qui est, c’est-à-dire hors de toute accessible définition.

crise

L’Eglise est en crise, répète à l’envi ses détracteurs.

En crise, elle l’est depuis l’origine, deux milles ans. Douze hommes improbables autour du Christ et à leur tête, Pierre angulaire, un renégat avant même que le coq n’ait chanté trois fois. L’Eglise Est crise. Inadaptée, inadaptable, toute à l’inverse de l’injonction du Monde rêvant de la faire entrer dans le rang.

Elle, libre de Dieu, dans le rang !

volonté

Qu’est-ce qu’être chrétien ?

On peut tourner la question dans tous les sens, elle nous ramène toujours au mont des Oliviers : « Non pas ce que je veux, Père, mais ce que toi tu veux. »

Notre individualisme sous toutes ses formes n’a de but que l’affirmation de notre volonté. En ne voulant que celle du Père – en n’ayant seulement que la volonté de vouloir -, nous sommes chrétien, parce qu’à l’image la plus nette du Christ.

zèle

« Il me semble que dans la mesure où le romancier dépasserait les apparences et saurait atteindre profondément l’homme intérieur, bien loin d’éviter de peindre la nature déchue, il toucherait là une région peu connue de notre misère. Ce serait l’histoire des passions qui se masquent pour que l’homme, épris de sa propre perfection, ne les reconnaisse pas. La seule luxure, incapable de déguisement, serait par lui dominée et vaincue. Mais des autres péchés capitaux, et surtout de l’orgueil, il ne reconnaîtrait jamais le visage, parce qu’ils auraient su revêtir un aspect édifiant, et rivaliseraient d’ardeur et de zèle jusqu’à ce que leur victime se considère comme un Dieu. Peut-être, le véritable saint est-il un homme qui ne s’arrête pas de démasquer en lui et d’authentifier à chaque instant toutes ces passions à la face voilée. D’où cette humilité qui nous étonne, ces abîmes d’humilité chez des êtres déjà dans le ciel. Mais eux, ils voient ce que nous ne voyons pas, ils savent que durant toute leur vie ils n’ont cessé d’arracher leur couteau et leur masque aux vices qui se déguisent en vertus. » François MAURIAC

Le zèle du Progrès au nom toujours d’un soi-disant Bien mais zèle aveuglé aux Lumières d’un Homme ex nihilo Dieu de lui-même.

pareil

Un dimanche dernier peu avant onze heures je croise dans la rue un gars que je connais un peu, sans plus, avec qui j’échange occasionnellement entre zinc et café.

– Tu vas où par là ?

– A la messe.

– Ah, tu es religieux, me dit-il, waouh ça me fait plaisir !

Il est musulman, je suis chrétien, ça lui fait plaisir et ça me fait plaisir que ça lui fasse plaisir.

– Chrétien, musulman, c’est pareil, me dit-il pour finir.

J’ai vu ce qu’il entendait par « c’est pareil » : quand nous prions, lui ou moi, c’est sur nous le même regard de tendresse que nous éprouvons. A cette douceur-là, c’est pareil.

alliage

« Eli, Eli, lama sabachthani ? »

J’entends à peine murmurée l’une de vos dernières paroles sur la Croix et n’y distingue clairement qu’une extinction de Voix.

« Père, Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Si en cette seconde au centre de tous les temps le Père n’est plus dans le Fils, alors votre unité Trinitaire est rompue, comme un morceau de pain, et l’on peut ainsi dire que Dieu n’est plus Dieu, qui va aussi rendre l’Esprit.

En cette seconde, Jésus Fils de Dieu, vous ne faites plus qu’un avec notre nature humaine, plus qu’un avec notre humanité, plus qu’Un avec l’Homme. Vous êtes – selon votre propre expression tellement déroutante et si souvent proférée dans votre Evangile – le Fils de l’Homme.

Et le ciel s’obscurcit.

L’alliance est plus qu’un alliage, c’est un pur métal de plomb coulé dans le plomb.

Pour nous hisser hors de l’abîme où nous sommes terrés, vous nous rejoignez corps et âme dans un don infini qui va jusqu’à l’oubli de vous-même, jusqu’à renoncer à votre divinité.

Oui, jusqu’à renoncer à votre divinité, « sans retenir jalousement le rang qui vous égalait à Dieu. » *

Vous avez d’abord communié à nous pour que nous puissions ensuite communier à vous dans la lumière d’un matin de Pâques.

La Résurrection, c’est du plomb en or au feu de l’Esprit.

Extrait de Lucie à la naissance du jour

* Ph, 2, 6

désir

« Si quelqu’un a accueilli cet amour qui lui redonne le sens de la vie, comment peut-il retenir le désir de le communiquer aux autres ? » – Pape François

Evidemment, tout est ensuite dans la manière ; il n’en est qu’une qui vaille, elle nous vient de Pierre : « Vous devez vous tenir prêts à rendre compte devant tous ceux qui vous le demandent de l’espérance qui est en vous. Mais faites-le avec douceur et bienveillance. »

Tout le monde ne « le demande » pas, certes. Mais il serait bien étonnant que tous n’en aient pas le désir bien compris.

blessure

« Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol ou si son taux de sucre est trop haut ! Nous devons soigner les blessures. »  Pape François, bien sûr.

Le chrétien ne doit pas coller comme autant de sparadraps « ses leçons apprises et préceptes humains », selon les mots du Christ, mais dire la tendresse éprouvée d’un Père. C’est elle qui soigne, guérit, relève. Elle a besoin pour cela de prières qui entrouvrent, de silences qui comprennent, de paroles qui sèment, de gestes qui pansent, pas de leçons de morale.

Il n’est que Dieu pour nous donner à voir – rien de moins grave – à quel point nous sommes malades.

dalle

Il existe me semble-t-il deux profils de pape : les plutôt Pierre, les plutôt Paul. Les premiers sont fondateurs, les seconds bâtisseurs, étant bien entendu que l’un n’exclut pas l’autre, que sont les deux tendances en calices communicants. Chez les uns le cœur forge l’esprit, chez les autres l’esprit attise le cœur. Les Pierre sont de chair spirituelle, les Paul d’esprit charnel. L’ardeur les unit, ici plus enveloppante, là plus incisive.

Il est probable que, par nécessité, l’on trouve plus de bâtisseurs que de fondateurs. Jean XXIII, fondateur. Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI, bâtisseurs. François, fondateur. Et tous apôtres, avec leur sensibilité et, plus encore, leur mesure de l’urgence du temps.

Le pape François sait pouvoir s’appuyer sur le corpus théologique consolidé par ses prédécesseurs. Sur une dalle première, la force des trois piliers suivants permet d’asseoir une dalle nouvelle, de revenir au fondement : la loi, mais pour l’homme. Dès lors, la miséricorde devant.