L’Eglise prétend conduire au Christ et elle en éloigne, elle se veut source et ressource et s’avère repoussoir et refouloir, une institution soi-disant divine mais en réalité poussiéreuse en diable, rigide, vieillotte, dépassée comme l’idée même de Dieu. On pourrait charger encore davantage la barque de Pierre de toutes ces considérations courantes, qui furent les miennes.
Paul Ricœur disait que « le nœud philosophique de nos problèmes, c’est le rapport entre la liberté et l’institution… Nous sommes happés par le fantasme d’une liberté sans institution. Or une liberté qui n’entre pas en institution est potentiellement terroriste. »
Sans l’Eglise, le nom de Jésus ne serait aujourd’hui connu que d’une poignée d’historiens. L’Eglise, avec les défaillances qui sont les siennes, les nôtres, a préservé cette liberté de l’homme de rencontrer Dieu, à moins que ce ne soit l’inverse. Elle ne propose ni n’impose rien en bloc. Tout émane de l’intériorité, d’une vie spirituelle qui est relation, non pas leçons apprises mais approfondissements personnels et révélations intimes. Ce que l’on nomme dogme, doctrine, n’est que cette prise d’intelligence en communion du Mystère à travers deux mille ans de foi, d’hommes de foi. L’Eglise ne délivre pas du dehors ce qu’elle porte en elle, moyennant quoi on ne peut de l’extérieur lui en reprocher l’opacité. C’est dans une croissance spirituelle au rythme de chacun, avec ses grâces et résistances, que la compréhension de la foi se déploie, librement enracinée dans la rencontre, à l’origine de tout, de Jésus-Christ.
Le Père André Manaranche a cette phrase magnifique : « On n’est pas chrétien par imitation, mais par irrigation. » Tout le sens est là, l’Eucharistie en son cœur, des sacrements de l’Eglise.